
Comment Dove, Getty Images et le collectif Girl Gaze s’allient pour créer une banque d’images commerciales mettant en vedette de vraies femmes
Dove s’est récemment associée à Getty Images et au collectif Girl Gaze pour créer le projet #MontrezNous : la première bibliothèque inclusive au monde d’images de femmes qui vise à briser les clichés dans la représentation de la beauté. Quelque 900 entreprises dans le monde utilisent désormais cette ressource, mais son lancement n’était pas sans défi.
« Pour nous, il est primordial que le travail que nous accomplissons ne soit pas superficiel », déclare Sophie Galvani, vice-présidente mondiale de Dove.
Assise aux côtés de Rebecca Swift, directrice de la stratégie créative chez Getty Images, au Festival Cannes Lions en 2019, Sophie Galvani découvrait que la campagne venait de remporter le Lion d’argent dans la catégorie Glass Lions (lion du changement). Mais elle rappelait que le travail mené, durant les 18 mois précédents, pour créer ce projet ambitieux, n’avait pas pour enjeu de gagner des prix.
« C’est ce que nous appelons ‘fabriquer une marque’ chez Dove – lorsque vous faites quelque chose et qu’elle prend beaucoup plus de temps à être créée », sourit-elle.
Le Projet #MontrezNous s’appuie sur une collection de plus de 5 000 images prises par des photographes du collectif féminin Girl Gaze. Elle montre des personnes s’identifiant comme femmes ou non-binaires, au naturel, sans retouches, et non comme d’autres voudraient qu’elles soient. Les images sont proposées à toutes les marques et utilisables dans les campagnes publicitaires.
L’idée originale revient à John Antoniello, vice-président et directeur de la création chez Publicis Sapient, qui n’a pas hésité à aller à New York pour présenter l’idée à la marque.
« Je me souviens de lui venant juste d’atterrir, en train de nous exposer son projet. Il avait sa présentation avec toutes les idées. Nous lui avons immédiatement donné notre accord. Parce que nous avons tout de suite compris que c’était une idée géniale et combien elle allait changer la donne en matière de représentation des femmes », se souvient Sophie Galvani.
« Mais nous savions aussi que si nous étions certain.e.s de nous engager, nous ne pourrions pas le faire seul.e, nous n’avions non seulement pas assez de photographes pour prendre des photos comme Girl Gaze, mais pas non plus de plateforme pour héberger ses photos comme peut le faire Getty Images. Nous savions donc que Getty Images, un des leaders au monde en communication visuelle, serait parfait pour distribuer ces images. »
Suite à cette réponse positive, John Antoniello a contacté Getty Images et Amanda de Cadanet, fondatrice de Girl Gaze, pour leur proposer d’intégrer le projet.
« Nous avons immédiatement dit oui. C’était une évidence » se souvient Rebecca Swift. « John a d’abord rencontré notre directrice générale [Dawn Airey]. Ils sont sortis de cette réunion et m’ont demandé ce que j’en pensais. C’était quelque chose auquel j’avais souvent pensé. C’est un constat bien connu : les femmes ne sont pas assez représentées dans l’industrie photographique dans son ensemble et quand elles le sont, elles ne se reconnaissent pas forcément. Je le savais parce que je travaille dans ce secteur depuis longtemps. Je savais aussi que nos client.e.s, dans le monde entier, parlaient d’authenticité et de réalisme… Bref, cela semblait vraiment la collaboration parfaite.
Surmonter les obstacles
Mais tout n’était pas gagné pour autant. Nous avons dû faire face à des défis, y compris au sein de l’équipe achats d’Unilever, qui avait besoin d’être convaincue.
« Nous avons dû signer 13 contrats légaux, entre toutes les parties, pour pouvoir réaliser ce projet. Droits d’utilisation, en veillant à ce que les photographes soient correctement payées, et que se passe-t-il si quelqu’un comme Coca-Cola demande à utiliser l’une des images dans une de leurs campagnes, ce qu’il peut faire ; l’idée étant de nous assurer que tout le monde soit payé équitablement. Cela a demandé énormément de travail en coulisses », détaille Sophie Galvani.
« Getty [Images] nous a vraiment aidés à définir les principaux termes de recherche en Inde ou en Chine concernant les visuels de banque d’images. Cela ne sert à rien de créer une banque d’images que personne ne veut utiliser, nous avons donc dû nous assurer qu’elle était également commerciale… Nous devions créer quelque chose qui marche avec des images que les gens recherchaient et qu’ils voudraient acheter ».
Rebecca Swift évoque également le changement de mentalité nécessaire parmi les photographes qui ont été recrutées pour les prises de vue :
« elles devaient réfléchir à la façon de créer des interactions et de penser conceptuellement ce qu’elles prenaient en photo. Beaucoup de femmes issues du collectif Girl Gaze avaient une approche très journalistique de la photographie, une grande partie de notre travail a été de les accompagner pour créer des visuels qui puissent être utilisés dans la publicité et en photographie de marque. Ensuite, nous avons dû rédiger 39 briefs pour 39 pays et les traduire. Et ce n’est pas rien ! »
Il s’agissait également de comprendre les différents stéréotypes de la beauté dans les différents pays, notamment au Maroc et au Nigéria. Cela nous a conduit à consulter les 116 photographes sur la manière dont les tropes d’image attendus pourraient être inversés. Cela a inclus l’apprentissage de la terminologie de recherche locale et la mise en correspondance des photographes appropriées pour chaque prise de vue.
La logistique derrière le secret du projet #MontrezNous
Sophie Galvani révèle que la création de la banque d’images avait pour nom de code « Projet Djuna », du nom de la romancière et artiste Djuna Barnes, car Getty Images travaillait également avec un concurrent de la marque. « Il y avait beaucoup de mouvement dans le secteur où un photographe pouvait photographier avec Gillette, par exemple. Aussi, nous ne pouvions en parler à personne. Non pas que quelqu’un en parlerait volontairement, mais pourrait, par inadvertance, laisser quelque chose s’échapper. »
Girl Gaze a également dû mettre en place une plateforme pour trouver des photographes locales dans le monde entier. Cette plateforme existe toujours après le lancement et continuera d’être utilisée par l’organisation.
Plus d’un an plus tard, le projet était prêt à être lancé (en avril) avec 5 000 images prêtes à être distribuées par plus de 3 000 femmes inscrites, participantes au projet. Il a alors été décidé que l’utilisation de l’image serait payante plutôt que disponible gratuitement afin de rémunérer équitablement les photographes.
« Nous avons décidé que les images devaient être achetées car elles avaient de la valeur sur le marché. Vous ne pouvez pas simplement dire que nous allons les offrir, gratuitement. Les photographes doivent être payées correctement. Les femmes doivent être payées, ce qui n’étaient pas le cas. C’était le point de départ, être « intéressé.e ». Cela devait répondre à un business model ». complète Sophie Galvani.
« Ce que nous faisons, pour garantir une longévité au projet, est que nous allons réinvestir l’argent que nous gagnons dans la communauté photographique de manière à pouvoir continuer », ajoute Rebecca Swift.
Deux mois après son lancement, la banque enregistrait plus de 7 250 téléchargements sur 40 marchés de plus de 900 entreprises, avec l’ambition d’augmenter le nombre d’images mises à disposition à l’avenir.
Un enjeu de taille
Le sujet de l’objectif de la marque a été régulièrement discuté durant les Cannes Lions cette année, notamment par le P-dg d’Unilever, Alan Jope, qui a dénoncé de fausses discussions de la part d’entreprises semblant revendiquer un besoin plus élevé pour leurs produits, une déclaration qu’il a qualifiée de « woke washing ».
Interrogée sur ce terme émanant de son dirigeant, Sophie Galvani explique comment Dove mesure son propre objectif de renforcer l’estime de soi chez les femmes, un projet débuté il y a 15 ans, en collaboration avec l’University of the West of England pour documenter son travail.
« Il est primordial pour nous que le travail que nous accomplissons ne soit pas superficiel. Chez Dove, notre vision est celle d’un monde où la beauté est source de confiance et non d’anxiété. Notre mission consiste à donner à la prochaine génération de femmes les outils nécessaires pour construire une relation positive avec leur apparence, renforcer leur estime de soi et les voir se réaliser pleinement. Nous avons éduqué 35 millions de filles à l’estime de soi et à la confiance en leur corps. Cette importante mission a fait l’objet d’un audit externe par PwC pour s’assurer que nous avons un impact positif », poursuit-elle. Elle rappelle aussi que le travail avec l’Unicef vise à toucher des pays comme le Brésil, l’Inde et l’Indonésie et atteindre 10 millions de jeunes femmes par le biais des communications numériques afin d’accroître leur estime de soi.
« C’est extrêmement important pour nous », ajoute-t-elle, avant de parler de la frustration que ressent Dove autour du manque de prise de conscience que ses initiatives créent.
« Vous savez immédiatement sur quoi aligner la marque », répond-elle lorsqu’on lui demande comment l’entreprise sait pour quelles initiatives elle doit s’investir.
« Notre défi est de rendre la positivité de la beauté accessible à toutes les femmes – et l’une des marques que nous avons pour cela est d’éduquer la prochaine génération pour les aider à grandir avec une perception positive de leur apparence. Depuis 60 ans, nous intégrons une diversité de femmes dans nos campagnes. Notre ‘Campagne pour la vraie beauté‘ existe depuis 15 ans ; et ce nouveau projet trouve entièrement sa place dans cette dynamique.
« C’est une chose de dire que Dove accueille la diversité des femmes dans ses campagnes, mais ce que nous voulons c’est que tout le monde le fasse désormais. Et si demain, Coca-Cola, Gillette ou Nike veulent utiliser des images qui illustrent bien cette diversité féminine, si le Daily Mail le souhaite aussi ou les magazines Hearst, ils doivent pouvoir trouver ces visuels facilement dans des banques d’image. Nous voulons nous assurer de cela. Nous savions qu’il s’agissait d’un changement systémique. »
Un certain nombre de grandes entreprises se sont engagées à soutenir le projet #MontrezNous : Spotify, Colgate, Mastercard, CBS, National Basketball Association, CSM LeadDog, Merkle, Vidcom, Alma DDB, Sprinklr, Mindshare, News Corp, Ogilvy, Droga5, New York Times, IPG, Danone, You & Mr Jones, Wunderman Thompson, Diagio, The Martin Agency, Esprit, 29 Horas, DDB, Diageo et Publicis Sapient.
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Cet article a été écrit par Stephen Lepitak de The Drum et était légalement autorisé par le NewsCred publisher network. Adressez directement toutes vos questions concernant les licences à legal@newscred.com.